Dans l’autre hypothèse, la personne s’investit dans son travail, parce qu’il est intéressant, il lui procure un certain épanouissement et lui permet de "créer". Le travail devient alors une façon de se percevoir en tant qu’individu et d’affirmer sa propre valeur. Le besoin d’identité étant le moteur de l’action, on va utiliser les gens à ses propres fins. Le réflexe d’identification occulte la réalité des moyens mis en oeuvre. C’est ainsi que la secrétaire d’un patron trop exigeant croulera sous une énorme charge de travail et se trouvera responsable des retards éventuels. De plus, elle devra supporter les humeurs de son chef qui oscille inévitablement entre l’enthousiasme et la suffisance, la colère et la peur de l’échec. Aux yeux de son supérieur, la secrétaire n’existe que dans la stricte mesure où elle "sert" ses fins. Elle ne peut pas exister en tant qu’être humain, avec sa fatigue, ou en tant que mère de famille ayant d’autres obligations.
De nombreux exemples pourraient montrer que l’ambition et l’impérieuse nécessité d’affirmer son identité poussent à ignorer la dimension humaine de ceux qui nous entourent.
Ces deux attitudes sont apparemment contraires mais si l’on y regarde de plus près, on peut s’apercevoir qu’elles recouvrent une même réalité : la relation de travail n’est jamais vécue en tant que telle. C’est une relation centrée sur soi. Ou nous cherchons à combler un besoin d’identité par le travail, et les moyens important peu, nous arrivons très facilement au mépris, à l’exploitation de nos partenaires. Ou nous nions notre travail qui n’est pas le lieu propice pour conforter notre identité et dans ce cas, nous ignorons notre entourage, ce qui n'est pas reluisant non plus. |
Résumons la situation sur tous ces points : nos relations sont des relations égocentriques. La vraie relation, qui veut dire communion, ne semble pas exister, quels que soient les lieux de notre vie sur lesquels nous nous penchons.
Cette relation d’amour et de communion ne peut pas survenir tant que nous avons peur de n’être rien, tant que nous courons après notre identité ou cherchons un sens à notre vie, tant que nous ne supportons pas d’être seul ou de mourir. Toutes ces peurs conditionnent nos relations, qui sont alors soumises au diktat de nos désirs, de nos besoins et de nos manques. Il ne peut y avoir d’ouverture, d’échange ou de communion.
Pour autant, ne sommes-nous capables que de cela ? Notre seule chance est de nous rendre compte que nous fonctionnons à travers nos ambitions, à travers nos besoins de sécurité ou de réalisation personnelle. Si nous prenons réellement conscience que cette façon de fonctionner nous empêche de vivre toute relation vraie, peut-être aurons-nous la force de nous dire : "Je veux vraiment entrer en relation, je veux connaître l’amour." Quand cela devient extrêmement important pour nous-même, tout à fait vital, une étincelle jaillit, laissant entrevoir la possibilité d’une relation désintéressée. Si nous voyons clairement que nous sommes attachés à vos enfants et que nous leur refusons la liberté à laquelle ils ont droit, nous pouvons choisir l’amour de nos enfants et lâcher notre ego.
L’amour veut dire être capable de ne plus du tout penser à soi, d’oublier ses propres besoins, de ne plus se préoccuper de ses plaisirs, de ses intérêts ou de ses ambitions, que ce soit ses propres ambitions ou celles de son compagnon à travers lesquelles nous nous affirmons, même si nous n'en sommes pas l’acteur. En lâchant tout cela, nous créons un espace qui nous permet de voir l’autre. Alors, il est possible d'aimer, d'entrer en relation avec quelqu’un d’étranger, de différent. Si vous comprenez vraiment que la vie est autre chose que "moi, je veux ceci ou cela", vous acceptez de ne plus satisfaire votre personnalité égotiste. Elle commence à vous paraître moins intéressante et même elle vous encombre ! Dans ce cas, vous découvrez un lieu d’apprentissage, un enseignement radical dans les relations que vous entretenez avec votre compagne ou votre compagnon, avec vos enfants, votre famille, vos amis, avec vos collègues de travail et vos supérieurs. Si la force de l’amour a pénétré plus profondément en vous, vous êtes capable de modifier immédiatement votre attitude lorsque vous constatez que vous essayez de garder quelqu’un pour votre propre bénéfice ou lorsque vous voyez que vos actes et vos paroles blessent une autre personne. Vous laissez vivre les autres par amour.
Si l’envie de trouver la vraie communion est absolument présente en nous, nous apprenons de chacune de nos relations. Ce qui importe, ce n’est pas de changer l’autre mais de se voir en train de renforcer son propre moi. Nous devons d’abord constater qu’il nous isole, qu’il nous empêche d’établir une relation vraie. Ensuite, avec la force de l’amour, nous arrivons à réajuster notre mode de relation, nous cessons d’alimenter le mécanisme de l’ego. Nous commençons progressivement à vivre une qualité de relation qui se rapproche de la communion. Communion veut dire rencontre avec quelqu’un qui est étranger, différent. On aime l’autre pour ce qu’il est et non pour ce qu’il nous apporte. Le jour où nous avons vraiment compris, nous n’avons plus le choix. Le jour où nous voyons notre égoïsme à l’œuvre, nous ne pouvons plus le laisser faire ! Mais seulement, personne ne veut le voir ! Et si nous ne voulons pas voir, nous continuons encore et encore !
Les mamans pourront plus facilement faire ce constat en se souvenant de la relation incomparable qu’elles ont eu avec leur bébé. Ou peut-être avez-vous vécu dans votre vie un aperçu fugitif d’une réelle communion. Mais cela a disparu ! Cela ne peut pas durer parce que notre égoïsme exacerbé reprend très vite le dessus. Voyons-le vraiment et nous n’aurons plus le choix. La vision sincère et profonde de notre propre fonctionnement nous permettra de briser le cercle et d’entrer en relation avec les autres hommes, ceux qui nous entourent, l’ensemble de cette Terre... À ce moment-là, nous n’avons plus de préférence ! Nous n’aimons pas telle ou telle personne et pas une autre. Notre relation avec notre entourage et avec tous les autres hommes a la qualité d’une vraie communion. Et c’est alors que commence véritablement notre manifestation d’être humain. |