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Chapitre 5 du livre "Le Feu de Vérité" Suite |
Faut-il cultiver la mémoire ? |
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Nous venons de voir que dans toute forme de mémoires, il y a toujours une part de mémoire événementielle qui est neutre et une part psychologique dont la subjectivité ne fait pas de doute. Autant la mémoire objective est pratique, utile, et permet de vivre correctement dans une société, autant la mémoire psychologique est dangereuse car elle vient perturber l'expérience présente. Il serait bon de voir à quel point nous éprouvons de grandes difficultés à dissocier le psychologique de l'événementiel ! L'un et l'autre vivent tellement l'un dans l'autre que nous avons du mal à dégager l'objet de ce qui n'a rien à faire avec lui. Notre être n'a rien à voir avec la voiture et il est fort dommage que nous ne puissions apprendre à conduire sans être impliqués. Si notre être est touché, notre conduite ne se fera pas de façon neutre. Il serait donc indispensable d'abandonner toute mémoire inutile à ce sujet. |
Nous allons nous interroger maintenant sur le phénomène qui consiste à cultiver la mémoire. Pourquoi cultive-t-on la mémoire ? Observez bien, tout d'abord, que nous accumulons de la mémoire. Si vous regardez comment fonctionne un peuple, un pays, une collectivité, vous verrez que le groupe collectionne des anecdotes, raconte son histoire qui sera pleine de guerres, de défaites ou de victoires. Un groupe affectionne la mémoire de son histoire. Il se souvient, il commémore... le quatorze juillet, l'armistice… Une société très religieuse a la mémoire de sa religion. Pourquoi la collectivité tient-elle tant à son histoire ? Pourquoi avons-nous besoin de fêter le quatorze juillet avec force fanfares et feux d'artifices ? Que vous y participiez ou non n'a rien à voir avec la question qui est posée ici ! Vous n’accordez peut-être aucune importance à cette célébration mais vous fêtez votre anniversaire, c'est la même chose ! L'individu fait effectivement la même chose ! Il va marquer sa vie avec des événements, ses anniversaires, son mariage, la naissance de ses enfants, toutes les dates importantes. |
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Nous venons de voir que le fait de cultiver la mémoire nous empêche de vivre. Le mental est totalement inadapté à la vie qui, elle, n'a pas de mémoire. La vie est changeante, elle est en perpétuel mouvement. Pourquoi l'être humain ne peut-il vivre pleinement ce mouvement ? L'homme n'envisage pas de vivre dans le mouvement car il a une peur irrépressible de tout ce qui est neuf. Il a peur de ne pouvoir cerner la vie et les risques encourus, il a peur quand il réalise qu’il ne peut rien saisir ou comprendre. Il veut « digérer » la vie c'est-à-dire la réduire à sa propre dimension. L'être humain, à travers le processus de la mémoire, limite sa compréhension du monde et de lui-même. Il pense qu'il va ainsi être en sécurité, qu'il va mieux vivre. Il en va tout autrement ! Sa mémoire, au contraire, l'enferme de plus en plus, elle l'encombre et l'éloigne de la réalité. |
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Pourquoi avons-nous fait de la mémoire ? C'est une question difficile, un cercle vicieux. Nous engrangeons des mémoires psychologiques parce que nous ne sommes pas suffisamment attentifs, parce que l'événement n'est pas vécu complètement. Si nous étions parfaitement présents, vivant pleinement chaque instant, nous n'aurions qu'une mémoire utile. Du fait de l'inattention, de la fermeture, nous créons de la mémoire psychologique. Et ensuite, ce type de mémoire va encore contrarier davantage notre vécu. Si je rencontre quelqu'un pour la première fois, je suis pleinement dans la relation. Je vis un épisode neutre sans a priori ni préjugés et je l'oublie aussi vite qu'il est venu ; même si j’ai ressenti du plaisir, je ne garde aucune pensée à son sujet. Mais si mon mental se rappelle le plaisir éprouvé, je ferai preuve d'inattention à la prochaine rencontre. Je retrouverai la personne avec le souvenir de ce sentiment et je ne pourrai plus rencontrer la personne elle-même, je serai juste dans ma propre idée, ma propre sensation. Je ne serai donc plus du tout attentive dans la situation présente. Toutes les informations accumulées deviennent un obstacle à la communication.
De la même façon, c'est par inattention que nous accumulons des informations négatives car nous ne vivons pas pleinement les conflits. Nous les vivons d'une façon distraite, nous n'arrivons pas à résoudre nos différends dans l'instant et, par suite, nous mémorisons toutes nos impressions négatives. Il se peut alors qu’au fur et à mesure de nos rencontres avec une personne, nous soyons amenés à conforter un jugement défavorable à son sujet, en restant imperméables à toute autre information. Un jour, on sera violent ou on se mettra en colère à cause d’une telle accumulation d'inattentions. Refuser maintes et maintes fois un vécu vis-à-vis de quelqu’un engendre à terme une explosion. |
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