|
Pages générales |
|
Publications |
|
Pages diverses |
|
|
|
|
|
Chapitre 5 du livre "Le Feu de Vérité" |
Faut-il cultiver la mémoire ? |
|
Réfléchissons sur ce que représente la mémoire. Qu'est-ce que la mémoire ? La mémoire est l'ensemble des acquisitions événementielles, éducatives, émotionnelles, spirituelles. Cela représente le champ de ce qui est vu, perçu, appris, tout ce qui est stocké dans le cerveau au cours de l'existence.
Le stock de mémoire appelé événementiel appartient à ce qui fait notre histoire : nous sommes nés dans une famille précise, dans un pays, avec une certaine culture. Nous sommes allés à l'école, nous avons fait des études à l'université… Nous avons aussi acquis des apprentissages : apprendre à lire, à compter, acquérir les capacités d’un métier, se former à différentes langues ; on peut parler de la mémoire d'apprentissage. D’autre part, nous avons vécu différents types d'expériences, rencontré des gens variés, éprouvé la joie, du plaisir, et aussi de la peur, de la tristesse. Tout cela représente la mémoire expérimentale. |
Voyons maintenant comment cette mémoire est mise en œuvre, comment elle fonctionne. Lorsque l’on dit : « Je suis français », il ne devrait y avoir rien d'autre que la description d'une situation géographique, le fait d’être né en France et non dans un autre pays. Il s'agit de la mémoire neutre d'un événement. Lorsque l’on dit : « Je sais conduire une voiture », ce qui est une mémoire d'apprentissage, on ne devrait considérer que le savoir qui rend un service. Lorsque l’on dit : « J'ai vu la mer pour la première fois », cela devrait correspondre seulement à la description d'un fait, reflétant une expérience neutre, dépourvue de toute charge émotive.
Tant que la mémoire se situe dans cette neutralité, elle peut être considérée comme utile, car elle permet de se situer, elle permet d'acquérir certaines connaissances. Cette catégorie de mémoire ne cherche qu'une description, sans autre perspective. Elle ne fait que nous rappeler ce que nous avons appris, ce que nous avons expérimenté, que nous connaissons la mer ou que nous savons conduire une voiture. C'est une mémoire sans mystère qui nous permet de connaître son nom, le nom de son père et de sa mère. Elle est utile, nécessaire pour une vie ordinaire. Si cette mémoire n'existait pas, il serait très difficile de vivre. Si nous oubliions où nous habitons, combien nous avons d'enfants, comment conduire une voiture, la vie deviendrait extrêmement compliquée ! |
|
Mais il y a un autre type de mémoire, qui se juxtapose à la mémoire neutre : c'est la mémoire psychologique. L’affirmation « Je suis français » ne veut pas seulement dire : « Je suis né dans un lieu géographique précis ». Bien d'autres considérations viennent s'y ajouter : il y a la référence à la culture et à l'histoire de ce pays, la perception de tout ce qu'il y a de différent par rapport à d'autres pays et d’autres peuples. L'esprit dit beaucoup plus que : « Je suis français », il affirme aussi : « Je vis dans un pays libre, dans une démocratie ». Il dit aussi ou pourrait le dire à une certaine époque : « Je suis contre les allemands ». Au-delà de l'événement, s'accumulent des informations variées n'ayant rien à voir avec cet événement ; il n'est plus question d'une mémoire qui situe mais d'une mémoire qui instaure une différenciation. |
Prenons un autre exemple : « Je sais conduire une voiture ». C'est une mémoire d'apprentissage. Pendant le temps où vous avez appris à conduire, il s'est passé bien d'autres choses ; la personne qui vous a enseigné a pu être extrêmement agacée par vos erreurs, elle a pu s’énerver de vos maladresses et créer ainsi un sentiment de difficulté et de crainte de l'échec et du mépris. Ainsi, au-delà de l'apprentissage, vous avez appris à avoir peur. A chaque fois que vous allez prendre votre voiture, il ne sera pas seulement question de la démonstration pratique d'un savoir. Le geste simple de conduire s'encombrera pendant un certain temps d'une multitude d'informations psychologiques. La peur vient corrompre la qualité du geste. Vous craignez et redoutez à chaque fois cette expérience et vous risquez effectivement de provoquer un accident. |
Reprenons l'exemple d'une mémoire expérimentale, la première fois que vous avez rencontré la mer. Il y a eu l'effet de surprise, votre premier regard sur la mer. Mais très vite vient s'y ajouter votre sensation de plaisir. Vous allez garder la mémoire psychologique de ce plaisir et de ce fait, vous ne pourrez plus avoir un regard neuf sur la mer. |
|
|